Relever les défis du TDAH grâce à sa passion pour le cirque
Auteur : Claude Dagenais, M.A. Psychologue
LE DEVOIR, LE JEUDI 29 DÉCEMBRE 2016 ACTUALITÉS
Louis-Simon Lapalme a eu deux vies : une avant son diagnostic de trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et une après. La seconde a été beaucoup plus heureuse grâce à la super-équipe qu’il a formée avec sa mère, Marie-Claude Harpin. Ce qui lui a permis d’avancer dans la vie malgré les obstacles. À 18 ans, il a déjà plusieurs belles réalisations à son actif et une foule de projets en tête. Rencontre.
La première fois que Louis-Simon Lapalme a grimpé sur une boule d’équilibre et que son professeur de cirque lui a indiqué que le truc, pour ne pas tomber, consiste à toujours rester en mouvement, il n’en croyait pas ses oreilles. Lui qui, de toute façon, ne peut jamais s’empêcher de bouger avait enfin trouvé l’endroit où il pouvait être lui-même. « Je pouvais passer une heure sur la boule d’équilibre, raconte-t-il. Tout de suite, je me suis senti bien dans les cours de cirque. À l’école, je devais toujours être calme, alors qu’au cirque, le professeur me disait d’être moi-même, de m’amuser. Dans le monde du cirque, c’est assez normal d’être différent. Les gens m’ont tout de suite aimé comme je suis et je me suis fais beaucoup d’amis.» Enfant, il était une petite tornade. Incapable de rester en place, il avait de la difficulté à suivre des activités de groupe et à se concentrer. En première année, compte tenu de la nécessité d’apprendre à lire et à écrire, la situation s’était vraiment détériorée. Différent des autres, il était rejeté et il était devenu le bouc émissaire des surveillants d’élèves. Il ne voulait plus aller à l’école. « Il me disait qu’il n’avait plus le goût de vivre!» raconte sa mère, qui n’est pas du type à rester les bras croisés à s’apitoyer sur son sort. Ils ont consulté un neuropsychologue. Il a reçu son diagnostic de TDAH, avec un profil dyslexique-dysorthographique, un trouble qui est venu se confirmer plus tard à l’école. Tout de suite, Louis-Simon a commencé à prendre de la médication. « C’était beaucoup de choses en même temps, mais je me suis dit que nous n’avions pas le choix d’accepter la situation et de passer à l’action pour qu’il aille mieux », raconte la maman, qui est maintenant prête à aider d’autres parents qui se retrouvent dans une situation semblable.
Une nouvelle vie à sept ans
Le premier matin que Louis-Simon a avalé une dose de Concerta, Marie-Claude Harpin lui a dit, comme d’habitude avant qu’il sorte dehors, de mettre son manteau et ses bottes. Il l’a fait sur-le-champ! Sa mère n’avait jamais vu ça, elle était bouche bée. Il a aussi commencé à voir une ortho-pédagogue une fois par semaine au privé, en plus de celle qui le suivait à l’école. Puis, coup de chance, une fois remis sur la bonne voie par la médication, il a déménagé et a changé d’école pour commencer sa deuxième année.
« Sans médication, je ne crois pas que j’aurais terminé mon primaire, affirme celui qui a maintenant de très bons résultats au cégep. Avant, mes idées étaient toutes désorganisées. Maintenant, mon cerveau sait sur quoi il doit se concentrer dans le moment présent et sur ce qui sera important plus tard. Puis, j’ai été super bien accueilli dans ma nouvelle école, je me suis fait des amis et ça a tout changé. » Marie-Claude Harpin a par contre investi beaucoup de temps et d’énergie dans la réussite de son fils. « Elle restait assise à côté de moi pendant des heures le soir pour que j’arrive à faire mes devoirs, se souvient Louis-Simon. Si elle faisait autre chose, je perdais toute ma concentration ! »
Trouver sa passion
Marie-Claude Harpin s’est également mise à acheter compulsivement tous les livres possible et inimaginables sur le TDAH et à assister à toutes sortes de conférences. « J’ai appris que ce n’est généralement pas à l’école que les enfants TDAH se valorisent parce qu’ils ne sont pas des premiers de classe, mentionne-t-elle. Il faut donc leur trouver un autre endroit où ils seront valorisés. » Il a essayé le soccer : pas un succès ! Puis le karaté, où il excellait. Mais, c’est vraiment lorsqu’il a commencé le cirque que l’étincelle s’est produite. « Quand j’ai vu mon fils bouger sur une scène avec les costumes, sous les projecteurs, j’ai été impressionnée, raconte la maman. C’était évident qu’il s’était trouvé. Il avait aussi découvert dans le cirque qu’il a un grand côté artistique. » Elle s’est servie de sa passion pour le cirque pour le motiver à l’école. « Je lui disais que, si son année scolaire allait bien, nous irions voir le Cirque du Soleil en spectacle, se souvient-elle. Nous y allions chaque année ! Je ne lui demandais pas l’impossible, seulement 60%, mais il avait souvent plus.» Rapidement, ils ont réalisé que ce mode de fonctionnement par objectifs fonctionnait très bien. Si bien que Marie-Claude Harpin n’a pas hésité à l’envoyer au secondaire dans un programme ski/planche à neige. « J’avais d’abord choisi l’école, parce qu’une orthopédagogue était présente chaque jour, raconte-t-elle. La matière était condensée et il devait avoir de bonnes notes pour rester dans le programme, mais ça le motivait. Louis-Simon a vraiment débloqué au secondaire. Il avait même des 85-90%. » « J’aime même lire maintenant, renchérit ce dernier. Je lis de grosses briques ! »
Allier cirque et travail social pour ses études postsecondaires, Louis-Simon Lapalme aurait bien aimé décrocher un diplôme d’études collégiales (DEC) en arts du cirque, mais ce programme ouvert à l’international est très contingenté. Il n’a pas été accepté. Il ne s’est pas découragé pour autant et a entrepris un DEC en travail social. Puis, une fois qu’il a eu ses 18 ans, il a pu s’inscrire à l’attestation d’études collégiales (AEC) d’initiateur aux arts du cirque. L’avantage d’être hyperactif : il suit les deux programmes en même temps ! Il participe aussi à plusieurs événements, comme le festival Montréal complètement cirque, et il enseigne à des enfants de Saint-Eustache pour l’organisme Les Forrains Abyssaux. Lorsqu’il aura terminé ses études collégiales, il aimerait aller à l’université, où il envisage de faire un certificat en toxicomanie. « J’aimerais combiner mes deux formations pour faire du cirque social avec les gens qui veulent se sortir de la toxicomanie, de la délinquance ou de l’itinérance. Cirque Hors Piste fait ce genre de travail. J’ai toujours voulu aider les autres. Je les comprends, parce que moi, avant de découvrir le cirque, je n’allais pas bien. Je veux donner aux autres ce que j’ai eu la chance d’avoir. » Quelque temps après son entrevue, Louis-Simon apprenait qu’il était reçu officiellement comme instructeur à l’École nationale de cirque de Montréal. Une belle leçon de persévérance !